Stratagèmes de plantes pour attirer/retenir les insectes!
De nombreuses plantes terrestres et insectes ont évolué parallèlement depuis des millions d’années. C’est ce que l’on décrit comme la « coévolution ». Au fil du temps, les espèces se spécialisent de plus en plus et il se tisse des liens et des interdépendances de plus en plus poussés. Dans la plupart des cas, la plante offre une récompense à l’insecte qui le visite (goutte de nectar, sirop, pollen etc.) en échange de son rôle de transporteur de pollen. Le visiteur est rassasié, la plante fécondée, tout le monde y gagne. Mais au cours de leurs évolutions conjointes, les plantes ont adapté des stratagèmes toujours plus subtils. Ceci toujours dans le but de limiter les pertes de pollen et augmenter leur propagation. Tout était bon pour attirer, voire piéger, un insecte en jouant avec les odeurs, les couleurs, la nourriture, la température… et même la sexualité de l’insecte. C’est ce que propose de comprendre cette vidéo en abordant 6 cas concrets: le concombre d’âne (Ecballium elaterium), l’épine vinette ou Berberis (Berberis vulgaris), le sabot de vénus (Cypripedium calceolus) et le Serpentaire (Dracunculus vulgaris), le Genêt d’Espagne (Spartium junceum), les orchidées du genre Ophrys et enfin le Marronier d’Inde (Aesculus hippocastanum).
1/Certaines plantes explosent à la moindre caresse comme le concombre d’âne (Ecballium elaterium):
Voici ce que l’on pourrait appeler un « cracheur de graines ». Cette plante, qui porte aussi le nom de momordique, appartient à la famille de la courge. C’est un purgatif puissant, voire toxique, quand utilisé par voie orale. Cependant, ce qui nous intéresse ici, ce sont ses fruits. Ces derniers ressemblent à de curieux « concombres ». Il suffit d’en effleurer un pour recevoir une puissante giclée d’un liquide mucilagineux qui vous colle les graines sur une partie du corps. Ceci arrive quand les « concombres » ont atteint une certaine maturité qui les rend turgescents. Le moindre effleurement provoque le détachement du fruit qui se met à cracher le liquide interne contenant les graines. C’est un bon moyen de disperser les graine. L’efficacité est maximale si elles sont collées au pelage d’un animal qui les transportera bien loin de la plante mère!
2/ D’autres privilégient les caresses comme l’Epine vinette ou Berberis (Berberis vulgaris):
Cet arbrisseau épineux se signale rapidement à l’attention de tous par ses grappes pendantes de fleurs jaunes, puis ses fruits rouges comestibles et bourrés d’antioxydants. Ce mot de Berberis est le nom arabe du fruit de l’Epine-vinette. Les fleurs jaunes, qui s’épanouissent en mai-juin, présentent de curieux mouvements de leurs étamines. Il suffit d’un contact avec un insecte, ou artificiel provoqué par un botaniste avec un brin d’herbe, pour que l’étamine se rabatte. Ce mouvement l’entraine soit au contact du pistil pour y déposer son pollen, soit au contact d’un insecte. Ce dernier disséminera alors ce pollen vers une autre fleur. Le phénomène est bien visible à l’oeil nu.
3/Nouvelle version de « 50 nuances de Grey » comme le Sabot de Vénus ( Cypripedium calceolus) ou le serpentaire ( Dracunculus vulgaris):
Voici deux plantes qui se servent des odeurs comme leurres pour pièger les insectes de façon parfois « sadique ». En effet, les fleurs de ces 2 plantes libèrent des parfums (odeur nauséabonde de cadavre pour le Dracunculus) destinés à attirer les insectes pollinisateurs. Et ceci sans se donner la peine de secréter du nectar! Attirés par de fallacieuses promesses de nourriture, les insectes se posent sur la margelle des fleurs ou pénètrent dans les fleurs. Bien mal leur en prend: ils tombent dans de véritables pièges dont ils peuvent rester prisonniers plusieurs jours. Ceci faisant, ils ne manquent pas de se frotter aux étamines ou stigmates des fleurs femelles assurant la pollinisation au fur et à mesure de leurs visites de différentes fleurs.
4/ Un amour explosif tel le genêt d’Espagne (Spartium junceum):
Le genêt d’Espagne n’a pas été très bien nommé en France. Il vaudrait mieux l’appeler « Spartier » car il ne fait pas partie du genre Genista (Genêt). Mais venons en plutôt à ce qui nous interresse: les fleurs. Ces dernières sont très voyantes, jusqu’à 3 cm de long. Elles sont visitées par de gros insectes comme les bourdons. Ces derniers sont capables, en se posant sur la fleur, de déclencher par leur poids un mécanisme explosif qui projette un nuage de pollen sur le visiteur. Ce petit « miracle » est tout simplement mécanique. Les 2 pétales latéraux (appelés les ailes) de la fleur sont clippés sur la carène (pétale du bas en forme de coque de bateau). Cette dernière contient les étamines et le pistil qui, lorsque le poids de l’animal décroche les 2 pétales latéraux, sont libérés violemment. Ceci a pour effet de libérer un nuage de pollen. Tandis que le pollen se répand, le stigmate (extrémité du pistil) vient frapper le dessous de l’insecte et cueillir sur son abdomen les grains de pollen venus d’ailleurs. La pollinisation est réalisée.
5/ Celles qui vous font porter les cornes comme certaines orchidées:
Certaines fleurs émettent des parfums qui imitent les phéromones des insectes. Ces phéromones sont des substances chimiques volatiles qu’ils émettent pour communiquer entre eux. Les plus exploités sont les signaux d’ordre sexuel. Plus particulierement, ceux que les femelles insectes libèrent pour attirer les mâles. Les Orchidées, notamment du genre Ophrys, se sont presque faites une spécialité de pièges à mâles. Elles ne présentent ni éperon, ni nectar et n’offrent pars conséquent aucune récompense à leurs visiteurs éventuels. Attiré par les phéromones, l’insecte se pose en atterrissant sur le label (qui imite la forme, la taille, les couleurs… de femelles d’insectes). Il couvre ce label de toute sa longueur. Il s’agite, a des mouvements convulsifs comme une pseudo-copulation! Et dans toute cette agitation touche les pollinies (sacs remplis de pollen) qui se collent sur sa tête ou son abdomen. Quand il visitera une autre fleur qui le trompe à nouveau, il déposera involontairement les pollinies sur le stigmate. Il assurera ainsi la pollinisation de l’orchidée à son insu.
6/ Il n’y a pas de honte à rougir après l’amour: le Marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum):
Il est des fleurs qui rougissent après l’amour comme la fleur du marronier d’Inde (Aesculus hippocastanum). Les couleurs des fleurs ne sont pas là que pour embellir notre environnement. Elles ont parfois des fonctions bien surprenantes en relation avec la survie de la plante. Il en va ainsi des fleurs de marronier d’Inde. Celles-ci passent de la couleur jaunâtre, à l’état jeune, à une couleur rose puis rougeâtre en fin de vie. Pourquoi me direz vous? Et bien tout simplement parce que ce phénomène est lié à la fécondation de la fleur. Une fois pollinisée, la fleur passe au rouge, couleur que les abeilles ne voient pas bien. Résultat, l’abeille passe plus de temps sur des fleurs encore vierges et moins de temps sur des fleurs pollinisées. Ceci permet d’augmenter le nombre de fleurs fécondées! La fleur communique donc avec ses pollinisateurs par l’intermédiaire de ses couleurs. Cette modification de la couleur de la fleur est le résultat d’une chaîne de réactions ayant pour point de départ la fécondation. Celle-ci déclenche la synthèse d’éthylène, par la fleur, hormone végétale à l’origine du rougissement.
En guise de conclusion…
L’explosion du nombre d’espèces de plantes et d’insectes s’est produite dans la seconde moitié du règne des dinausaures. Il y a donc 135 millions d’années environ quand la fleur est « inventée » dans le régne végétal. C’est à partir de ce moment que s’épanouissent les groupes d’insectes parmi les plus communs aujourd’hui. Ces 135 millions d’années ont laissé le temps à la mise en place d’interconnexions entre les deux règnes et de stratagèmes de la part des deux. Les grands mécanismes de l’évolution sont de nos jours bien connus mais étudier la diversité des êtres vivants apporte toujours sont lot de surprises…